Le besoin de sortir

Avec l’arrivée du week-end, l’euphorie nous gagne peu à peu. Certains scrutent alors l’horloge en y voyant un décompte salvateur. Après cinq jours de labeur, place à quarante-huit heures où ils seront là, bourrés.

C’est précisément, car le week-end est court qu’on ressent le besoin irrépressible d’en consumer la moindre seconde comme si c’était la dernière. Clopant certes, mais déterminé à aller voir dehors si on y est. C’est ce qui nous pousse à dépasser la fatigue, le ras-le-bol du corps, et partir en quête de bons souvenirs pour les deux prochains jours.

Un vendredi soir est une ligne de départ que les cokés apprécient. Si par malheur on reste à la maison, un sentiment de honte nous envahit : ma vie est-elle si nulle ? Les autres s’amusent-ils dehors sans moi ?

On regrette chaque semaine d’être sorti si tard, d’avoir bu assez d’alcool jusqu’au week-end suivant, d’être mal le dimanche à ne pas pouvoir profiter de la journée. Malgré cela, on se dit encore que les autres s’amusent dehors et que ce vendredi soir a un goût amer, sans bouteille de Schweppes à l’horizon… Et elle. Et si c’était ce soir que je devais te rencontrer ? Que se passerait-il si le Prince Charmont, ivre de bonne heure, n’était pas au rendez-vous ? Retrouverions-nous dimanche soir la princesse déprimant sur Tinder ? Dans l’absolu, la vodka n’est pas un ami viable pour répondre à toutes ces questions.

Chez moi, le temps s’écoule (car il est branché!) aussi vite que la bière sans alcool au bar. Le fêtard qui est en moi me supplie à genoux pour avoir sa dose de reggaeton au volume bien trop fort, et son gin-tonic au volume d’alcool, lui aussi bien trop fort. Au même moment, enfoui en moi, mon foie me remercie mille fois de la foi qui m’anime ce soir à rester chez soie (c’est comme rester chez soi, mais avec des habits soyeux).

Quand on y pense, avec du recul (mais pas trop, car après on ne s’entend plus penser), l’alcool est un outil sans précédent ni suivant d’ailleurs. Il nous permet d’être guillerets avec nos semblables, de goûter aux plaisirs de la vie, sans modération ni crainte des lents demains où nos cheveux poussent à l’intérieur, malgré le fait que Karl vit ici.

On associe nos sorties nocturnes à un plaisir instantané, une illusion à court terme, où on essaie de se convaincre que nous avons le contrôle. Plus notre alcoolémie augmente et plus on s’en persuade d’ailleurs. Le passé nous rattrapera, car il vit avec nous et qu’il a un double des clés. Il nous jugera alors, avec un rictus à la commissure des lèvres : « regarde-toi ! Je te l’avais bien dit ».

Et au moment de réagir, de se dresser face à lui, on se rappelle que le sixième gin-tonic nous a rendus apathiques et qu’une envie de vomir est plus forte que des valeurs.

Et oui, « se coucher tard… nuit » disait Raymond Devos.