Joyeux anniversaire Monsieur Beck

À peine réveillé, je sais déjà comment sera ma journée. Cette journée symbolique ne symbolisant plus rien. Métro, boulot, gâteau, dodo. Aujourd’hui, c’est mon anniversaire et l’envie de rester au lit me transcende l’esprit. J’ai cette vieille sensation de lendemain de soirée avec en prime une amertume nauséeuse au palais.

Il ne s’est rien passé durant la nuit, mais je me rapproche inexorablement un peu plus du sombre drapé. Quand je poserai le pied au sol, j’en mettrai un second un peu plus dans la tombe. Après tout, on ne fait que marcher sur le fil de la vie.

Tu prends ton téléphone posé sur la table de chevet. Tu te rappelles de cette personne qui t’a souhaité ton anniversaire juste après minuit, comme si elle avait guetté la pendule à la manière de Cendrillon. , tu as des notifications Facebook, et ce n’est pas « Brandan » qui souhaite t’inviter à jouer à des jeux tout aussi débiles que lui. Tu mets des likes un peu partout. Ils ont la même signification que les « Vu » que tu avais à l’école primaire. Des « mercis » et des « bisous » à des gens que tu ne vois jamais.

Tu penses un instant à mettre un statut : je vous remercie pour vos messages de soutien en ce jour de commémoration. Merci à tous ceux qui ont vu sur le côté droit de leur écran « C’est l’anniversaire de Jonathan, aujourd’hui. Souhaitez-le-lui ». Mais tu ne le fais pas.

Plus tard dans la journée, un oncle malintentionné viendra te rendre visite et te dire une énième fois dans ta vie : « Mais tu te fais vieux maintenant, le temps passe vite ! » ou encore « quel âge ça te fait maintenant ? Ah, ça ne me rajeunit pas tout ça ».

Puis, on soufflera les mêmes bougies autour de la même table avec les mêmes personnes. On fera le même vœu idiot que l’an passé, et comme l’an passé il ne se réalisera pas. On trinquera avec le même Champagne bon marché qu’à Noël dernier avant d’engloutir dans un silence magistral l’objet de toutes les gourmandises : le gâteau avec écrit dessus « Joyeux anniversaire ». Le silence durera jusqu’au moment où l’un d’entre eux s’exclamera haut et fort « Mmh, il est bon ». Quelle délicate observation!

On déballera ensuite les cadeaux. Notez que plus on prend de l’âge et moins il y en a (la vie ne te fait pas de cadeau après tout), à tel point qu’un jour c’est à nous de passer à la caisse le jour de notre anniversaire : les petites viennoiseries avec les collègues à la pause de 9h, le resto avec les enfants le soir. 

Bref. On s’efforce d’avoir le même niveau de réaction positive pour chaque cadeau offert afin de ne pas froisser les invités (même si on sait tous très bien que tous les cadeaux ne se valent pas!). Il y a toujours une tante ou une grand-mère qui aura posé une petite enveloppe. Sans l’ouvrir, on sait très bien ce qui s’y trouve à l’intérieur. Et bien souvent cela est une source de motivation supplémentaire pour aller voir cette vieille tante deux ou trois fois par année.

On brosse l’aïeul dans le sens du poil (qu’elle a blanc d’ailleurs) afin de lui rappeler notre existence (et notre misère) malgré sa sénilité grandissante.

Parfum, vêtements, DVD, chèques-cadeaux. Tous identiques. Du conformisme personnalisé en soi… Et chacun recevra son petit bout de conformisme une fois par an.

En ce jour si spécial, je remercie ceux sans qui cette chronique n’aurait vu le jour, à savoir mon PC et sa connexion wifi. Je bois à votre santé et à celle des putains d’Amsterdam, ainsi qu’à tous ces héros ne portant pas de capes.