L’insomnie

On a tous vécu ce moment juste avant de nous endormir où on a mille pensées à la seconde. L’insomnie s’invite alors dans notre lit.

Plus les minutes défilent sur le radio réveil éclairant en rouge le rebord de la table de chevet, et plus on a de choses qui fourmillent dans notre esprit.

Ces choses insensées qu’on peut s’empêcher d’imaginer. Puis, on se tourne dans le lit, pensant que cela va changer quelque chose, en vain.

Quoi qu’on fasse, ces pensées sont toujours là, comme des idées noires venant éblouir notre nuit. Bien souvent, il s’agit de choses que l’on a faites dans la journée : ces petites paroles qui ont pu toucher ou blesser un proche, cette chose qu’on a (encore) oublié de faire, ce visage qu’on aimerait revoir. Il n’existe qu’une façon de trouver le sommeil, des millions de le perturber.

Et , on pense à demain. L’homme a toujours voulu maîtriser ce qu’il ne pouvait maîtriser : le temps, l’espace, la nature, les retards du RER D. Comme un petit vieux, on ressasse tout. Le rendez-vous client de demain matin, passer au pressing, changer la litière du chat (avant qu’il ne porte plainte à la SPA), répondre au message que j’ai oublié la veille, aller voir Margaux pour boire un verre entre cinq et sept, entre autres. Vous auriez bien aimé qu’elle soit là à vos côtés dans ce lit, l’envie de dormir vous aurait vite passé.

Une fois que le réel est éliminé, place à l’irréel. Comme disait Einstein : « l’imagination est plus importante que la connaissance, car la connaissance est limitée tandis que l’imagination englobe le monde entier ». Le monde entier c’est grand. Et c’est bien là le souci. Nous n’avons que huit heures devant nous. Si nous pouvons en consacrer le plus possible à des choses plus paradoxales (comme le sommeil), c’est bien. Après s’être refait le film que l’on a vu tout à l’heure en ayant pris la liberté de remplacer Bruce Willis dans le rôle de McClean, uniquement pour sortir des répliques comme :

– Vous venez de flinguer un hélicoptère avec une voiture !

– J’avais plus de balles.

Et à chaque fois qu’on tourne la tête vers le réveil afin de checker l’état du sablier que le marchand de sable n’est pas venu réclamer, on sent comme un petit coup de stress. Comme si on avait besoin de lui. On sombre gentiment dans la paranoïa « j’ai entendu dans E=M6 que pour trouver le sommeil il fallait bâiller et s’étirer de tout son corps ». 

Quand on s’aperçoit que la science est une chimère bonne qu’à concevoir de la méthamphétamine, on s’en remet alors à la Grâce du Ciel et au Tout-Puissant. Comme s’il en avait quelque chose à faire de votre insomnie d’un soir.

C’est alors que vous vous sentez partir. Ah non, fausse alerte. Un moment de répit sans conséquence. Votre esprit repart de plus belle, bien que vous soyez las et fatigué. Compter les moutons ne change rien (d’ailleurs, est-ce que les moutons comptent les humains lorsqu’ils n’arrivent pas à s’endormir?), retirer son t-shirt non plus (ou sous-vêtements pour les plus naturistes d’entre vous), bouquiner un moment vous fait « chier » (il faut allumer, chercher le livre, mettre les lunettes, reprendre là où vous vous étiez arrêté). Vous avez déjà regardé Facebook (trois fois) et toujours aucune réponse de Margaux à votre SMS.

Vos paupières se ferment tout doucement. Vous vous sentez bercé. Vous êtes heureux comme quand votre maman vous bordait le soir. Une pause s’impose. L’armistice est signé, pour ce soir. Vous venez de prendre un billet pour le pays des rêves.

Et qu’on se le dise : un rêve vaut mille aventures. La réalité est plus triste que l’imaginaire. On sera toujours de cet avis quand le réveil sonnera dans quelques heures…